Gaze Letter N°12 : Agnès de Sacy
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Cher·e vous,
Quand on juge du message porté par un film, on ne parle que du réalisateur ou de la réalisatrice, comme si un seul regard s’imprimait sur la pellicule et que toute la narration reposait sur sa seule vision. C’est oublier les scénaristes qui, bien souvent, écrivent bien plus que les lignes de dialogue : ils et elles imaginent les personnages, dessinent leurs aspérités, tissent leurs liens. C’est le cas d’Agnès de Sacy, dont le nom ne figure pas sur l’affiche des films de Pascal Bonitzer, Roschdy Zem, Michel Spinosa ou Philippe Godeau. Sa filmographie longue comme le bras (dernièrement Les Envoutés de Pascal Bonitzer) rappelle que nos imaginaires se composent de récits pensés à plusieurs. Elle nous indique également qu’il y a peut-être un petit ajustement à faire dans la façon dont nous traitons — ou plutôt ignorons — les scénaristes : membre de la Guilde des scénaristes, Agnès de Sacy milite pour la reconnaissance de sa profession, systématiquement effacée des crédits et de la promotion des films. Prêtons donc l’oreille aux oeuvres qui ont forgé cette femme de l’ombre qui mériterait d’en sortir. —Clarence Edgard-Rosa
Dear you,
When we judge the message conveyed by a film, we only talk about the director, as if he or she were the only one to see it on film and that the entire narrative was based on his or her vision alone. This is to forget the scriptwriters who, very often, write much more than lines of dialogue: they write the characters, draw their asperities, weave their links. This is the case of Agnès de Sacy, whose name does not appear on the posters of films by Pascal Bonitzer, Roschdy Zem, Michel Spinosa or Philippe Godeau. Her filmography is as long as the arm (most recently Pascal Bonitzer's Les Envoutés) and reminds us that our imaginations are made up of stories thought up by several people. She also tells us that there may be a small adjustment to be made in the way we treat - or rather ignore - screenwriters: a member of the Screenwriters' Guild, Agnès de Sacy campaigns for the recognition of her profession, which is systematically erased from film credits and promotion. So let's listen to the works that have forged this woman of the shadows who deserves to come out of it. —Clarence Edgard-Rosa
"UN ANGE À MA TABLE / AN ANGEL AT MY TABLE, Jane Campion (1990)
Un film solaire sur la différence et la création, qui retrace la vie de la poétesse Janet Frame. Je l’ai vu et revu à différents âges de ma vie, et plusieurs plans m'accompagnent. Notamment le dernier plan du film où, devenue poétesse reconnue, elle tape furieusement sur une machine à écrire, de la musique provient de la maison voisine, elle sort de sa caravane, danse quelques pas de twist seule dans la cour, puis retourne à sa machine à écrire. Un pur instant de joie, joie de l’écriture et joie du corps, et comment l’une ne va pas sans l’autre.
This film, which traces the story of poet Janet Frame, is a vital one about difference and creation. I have seen this film again at different ages in my life, and there are scenes which live with me: the last shot of the film, for example, where Janet, now a renowned poet, bangs furiously on a typewriter, and while music comes from the neighboring house, she comes out of her caravan, dances a few twist steps alone in the courtyard, then goes back to her typewriter. It’s a moment of pure joy, joy of writing and joy of the body, and how one goes without the other.
IS THIS DESIRE, PJ Harvey (1998)
Découvert à sa sortie en 1998, cet album m'a tout de suite envoûtée. La voix de PJ Harvey est à la fois une caresse et un cri. Comme le désir, évoqué dans le titre. J’ai un rapport physique à certains morceaux, comme Catherine ou The river. Je veux dire que si je les entends, je bouge, et c’est un mouvement qui vient de loin. Et puis c’est un des rares albums rock que j’ai fait découvrir à ma fille (Camila Djadja, chanteuse du groupe Sugar Pills) car, en général, la musique c’est son domaine et c’est elle qui me fait découvrir des choses.
Discovered when it was released in 1998, this album was immediately totally captivating for me. PJ Harvey's voice is both a caress and a cry. Like desire, mentioned in the title. I have a physical connection to certain songs, like Catherine or The River. I mean if I hear them, I move, and it's a movement that comes from afar. It's both pure sensation and quite sophisticated compositions. And then it's one of the rare rock albums that I introduced to my daughter (Camila Djadja, singer of the group Sugar Pills) because, in general, music is her domain and it is she who makes me discover things.
UNE CHAMBRE À SOI / A ROOM TO ONE'S OWN, Virginia Woolf (1929)
C’est un livre qu’on croit connaître, parce qu’on en retient toujours les mêmes deux ou trois phrases. Mais je viens de le relire et j’ai été frappée par sa modernité, son intelligence et son humour ravageur. À la fin, elle s’adresse à nous et nous dit que si nous vivons encore à peu près un siècle, « que chacune gagne cinq cents livres par an et dispose d’une chambre à elle ; si nous prenons l’habitude de la liberté et si nous avons le courage d’écrire exactement ce que nous pensons » alors cet effort immense, ce travail obscur de chacune d’entre nous vers la liberté, en vaut la peine. Un siècle ? Nous y sommes presque.
This is a book you think you know, because you always remember the same two or three sentences. But I just reread it and I was struck by its modernity, its intelligence and its devastating humor. At the end of this text, she addresses us and tells us that if we are still living in about a century, "let each earn five hundred pounds a year and have a room of her own; if we get used to freedom and if we have the courage to write exactly what we think ”, So this immense effort, this obscure work of each of us towards freedom, is worth it. A century? We are almost there.
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